Maitre d 'Ecole

 

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Pour copie conforme, Jean-Claude Herdhuin toujours des Alpes olympiques...

 
Tiré d'un livre écrit en 1986 par mon père André (+ en 1993). Le premier retraçait l'histoire du village (600ex)
 Ce deuxième "L'instruction Publique" n'a pour l'instant pas été publié, ni le petit troisième : l'eau et ses privilèges du temps des notables...
 
Concerne le chef-lieu de canton de Charly-sur-Marne (02310) où j'ai résidé 42 ans.

"L'Ecole du peuple au temps du trône et de l'autel à Charly-sur-Marne.
 

Le Maître des Ecoles de cette paroisse.

 
    La scène est à Charly, en l'église St Martin, à l'issue des vêpres chantées le dimanche 17 avril de l'An de Grâce 1746, et de notre Règne (1715-1774) le 31 ème aurait pu ajouter Louis XV. Sa favorite, Madame de Pompadour de 1743 à 1757 venait de restaurer par la grâce du Bien-Aimé une dynastie inépuisée, celle des Cotillons.
 
    Revenons au prône ou Monsieur le Prieur et Curé achève sa semonce. Il vient en effet, en chaire, revêtu de la soutane blanche et de l'aumusse noire, comme tout chanoine de Saint Jean des Vignes à Soissons (1) d'inviter les syndics et paroissiens à s'assembler au prieuré pour consacrer un nouveau Maîtres de écoles.
 
    En ce temps là, l'Ecole est fille de la religion. L'Eglise contrôle l'éducation et ses évêques détiennent l'approbation. La nomination s'opère donc devant les fidèles, en face à face. Le Clergé et ses Ouailles sont bien pénétrés du rôle éminent que joue le "magister", dans sa petite école, pour gagner et garder, à la foi, l'âme des enfants.
 
    1746-1749 seulement, Nicolas Gosset, ci-devant Maître d'Ecole à Belleau (2), comparait devant nous, Notaire royal, Procureur fiscal, Receveur Général de Madame, née Françoise Marguerite de Roye de la Rochefoucauld, abbesse de 1737 à 1767 de Notre dame de Soissons, et de deux autres procureurs en renfort, sans compter, au sommet, Monseigneur le Duc de Fitz-James, Evêque de Soissons, et outre les habitans de la paroisse.
 
    "Nous avons choisi et nommé pour Maître des Ecoles de la paroisse comme le jugeant capable, à charge pour lui de..."
 
    Ainsi commence le marché de gré à gré, tout à la fois solennel, privé et public, qui va lier ces notables et ces paroissiens le faisant vivre (c'est promis) et ce Maître Jacques qui sera tout en un (c'est juré). En effet, Directeur des Ecoles et Ange Gardien, Monsieur Nicolas n'aura pas une mince influence ni une vague mission : Oyez, oyez : Sonneur et Chantre aussi, Organiste et Sacristain encore, il est tout près du Prieur Curé dans le sanctuaire paroissial.
 
    A Charly, le Seigneur, c'est "Madame" qui règne sur son abbaye à plus de 10 lieues à la ronde. Mais omniprésente au travers d'un "Etat Major" permanent, efficace, dévoué corps et âme. Elle a déjà été informée du pacte qui s'est conclu cette vesprée et son accord est acquis

    Notre paroisse à donc de la chance d'avoir ouvert une école. Il n'en est pas ainsi et de fort loin dans le Royaume de France. Mais ces régions du Nord-Est se sont laissées facilement pénétrer par l'écriture. Ces provinces, en un temps lointain, celtiques et Belgiques, sont les pays de choix de la langue d'oïl, des terres à limon, de la charrue à cheval et de l'habitat groupé.  A peu près partout les têtes de la paroisse (laboureurs, paysans, notables) ont toujours placé au centre de leurs soucis majeurs l'instruction populaire. Mais le trésor royal n' a fait aucun effort en cette faveur. Les princes se n'ornent à rappeler, de temps en temps, ainsi en 1724 que les paroisses ont un devoir financier envers l'école locale.
 
    Car les petites écoles ne trouvent pas de défenseur, tant sans faut, en ce siècle que l'on dit des Lumières, ni chez Voltaire (1694-4778) ni chez Rousseau (1712-1778). Le premier dont le réalisme est connu déclare : "on n'a besoin que d'une plume pour deux ou trois cent bras" donc il convient de proscrire l'étude chez les laboureurs". Le second dont l'idéalisme est touchant affirme : "Le pauvre n'a pas besoin d'éducation, il peut devenir quelqu'un de lui même...". La condition naturelle de l'homme est de cultiver la terre et de vivre de ses fruits. En Creuse il y a 95 % d'illettrés.
 
    Sont pour la diffusion de l'instruction publique populaire un d'Alembert (1717-1783), un Diderot (1713-1784) mais là s'arrête leur sympathie. Veulent l'école au village un Intendant comme Turgot (1727-1781), un Economiste comme Quesnay (1694-1774), un Marquis comme Condorcet (1743-1794), un Comte comme Mirabeau (1715-1789) parce qu'ils sont près des réalités.
 
 

Un contrat bien scellé.

 
    Au XVIème siècle, par "Institution des Enfants" on entendait un tout comprenant l'Instruction religieuse, l'Education morale et l'acquisition des bases du savoir : LIRE, ECRIRE, COMPTER. Cette trinité des motivations, tant bien que mal parfois, fit progresser l'Alphabétisation et l'Evangélisation.
 
    Les parties, bien d'accord, ont eu le temps de sceller le contrat dans un "cahier des charges". C'est un acte de style notarial où sont recensés les devoirs quotidiens de l'Homme public qu'est le "Maître des Ecoles de la paroisse", ainsi que tous les droits dont il jouira tant qu'il pourra tenir "ses charges". Dans son rollet figurent des astreintes avant et après la classe, et même pendant et même au-delà : "... portes de l'église vous ouvrirez et fermerez, exactement; Angélus vous sonnerez, trois fois le jour, absolument; horloges vous remonterez et conduirez, assidûment..."
 
    Porteur de grosses clés, tireur de cordes dès potron minet, le Magister détient une puissance inouïe : il rythme la vie active et pieuse du village, m^me dans ses lointains. "Angelus Domini annunciat Mariae..." L'Ange du seigneur annonça à marie : c'est l'heure de la prière, c'est l'heure du travail .
 
    "Le soleil va vous brûler dans vos lits!". Ainsi s'exprimaient ma grand -mère paysannes après 1900, entre Vermandois et Thiérache, quand les "dormeux" fatigués d'une longue veille ne se levaient pas dès potron minet ou jacquet!
 
    Soigner l'horloge, c'est la visiter chaque jour, car ce n'est que bien plus tard qu'elle fonctionnera trente heures d'affilée. Cet exercice suppose que l'on ne souffre ni d'arthrose, ni d'obésité, ni de vertige! L'escalier à noyau du clocher, étroit et rond, compte quarante deux marches et ce n'est que l'étape première.
 
    Le Maître fera "toucher l'orgue au moins quatre mois...", "...assistera à l'administration des Sacrements, et aux offices en surplis et décemment...". En tout il doit être un EXEMPLE à suivre.
 
    Il devra tenir ses écoles régulièrement, un DEVOIR parmi d'autres,. Il aura un "sous-maître" qui pourra le suppléer comme... organiste et qu'il paiera de ses propres deniers.
 
    Ces charges volontairement acceptées devra dûment les bien remplir afin que "...les habitans seront contents de lui..."
 

La rigueur d'abord.

 
    L'éducation primaire sous Louis XV associe toujours aux trois rudiments une haute dose de catéchisme. Le magister "...doit donner aux bonnes moeurs, l'esprit des enfants. (cf de Molière "les femmes savantes - 1672).
 
    Avoir de bonnes moeurs ne s'entend que d'une morale très rigide. Les règlements pour les clercs-lays (ou clercs laïcs) donnent le ton de la tutelle que l'église exerce sur l'enseignement et ses enseignants.
 
    Voici, en 1780, quelques conditions, prises parmi les plus curieuse, qui sont imposées aux candidats Maître des Ecoles.
 
    "... Il leur est défendu d'avoir les cheveux aussi longs que ceux du commun des laïques et de manger dans les cabarets de leur résidence, de jouer en public du violon!, d'aller aux danses populaires : sous peine de révocation...
 
    "... sauront tout leur catéchisme par coeur ainsi que leurs chants, rubriques, cérémonies de l'église... Avant tout fourniront un Témoignage avantageux de leur conduite, signé du Curé de leur Paroisse et seront capables d'enseigner à Lire et Ecrire en même temps que les premiers éléments de la Doctrine...
 
    Ainsi intronisé en regard des charges le nouveau maître a acquis des droits en espèces et en nature : "... il recevra de la Fabrique 150 livres par année, versées par quartier, peu plus peu moins! sans préjudice du casuel et de ses assistances...
 
    Il fait partie de la classe qui prie et "...reçois dons, selon l'occasion, d'une part des honoraires versés par le Clergé..." Ces rétributions sont moins accidentelles que le laisse croire le vocable "casuel". L'appel au culte est quasi quotidien : les fidèles font dire de nombreuses messes.
 
"... de plus aura l'eau bénite tous les dimanches... et il se rendra dans toutes les maisons de la localité et des écarts pour pratiquer l'aspersion. En retour ..."recevra une offrande...". Aura aussi droit "...à discrétion et libéralité des habitans... la quête des vins dans tous les pressoirs". Il ne lui était pas interdit "...de donner son coup d'épaule au moulinet ...", et pouvait de la sorte récolter cinq à six pièces de vins (chez nous en Champagne la pièce = 201 litres) dans les bonnes années et "...recevra de ceux qui n'ont ni vignes ni vin, : vingt sols par année, payables par quartier..."
 
    Deux avantages lui sont enfin réservés : "... sera exempt, et son Sous-Maître et organiste aussi, de toutes les charges publiques comme le prieur Curé : ni taille, ni accessoires, ni capitation...
 

Notes:

 

1 - La Villa Carlesiae, alias Chaâlis, alias Carlacium, alias Charly-sur-Marne , est attesté dès 843 comme possession des Abbesses de Soissons distantes de 57 km).
2 - Le village de Belleau est à 20 km plus au nord
3 - Le village de Coupru signalé par Simone Bailleux dans un message récent est à 9 km de Charly-sur-Marne...

 

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